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Nous continuons cet été notre voyage au cœur des arts et des lettres. Le Musée Eugène Delacroix niché place Fürstenberg à Saint Germain des Prés est un vrai bijou et nous offre une exposition estivale très intéressante : « Delacroix écrivain ».

Petit par sa surface mais grand par ses richesses sur ce talentueux artiste du XIXème siècle, le musée, son ravissant jardin et l’atelier du peintre nous emmènent bien loin du tumulte parisien. Place au rêve et aux beaux mots. Catherine Adam nous a fait l’honneur d’une visite guidée de ce lieu hors du temps.

 

Delacroix est connu du grand public en tant que peintre, entre tradition classique et ferveur romantique, principalement pour son œuvre « La liberté guidant le peuple » de 1830, glorifiant le peuple citoyen (exposé au Louvre), et pour mémoire ornant avec son portrait les anciens billets de 100 Francs. Or, saviez-vous qu’il était un artiste complet, cultivé, et féru de lettres ?

 

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L’homme de culture

 

A l’occasion du 150ème anniversaire de la disparition de l’artiste, il est né en 1798 et décédé le 13 août 1863 à l’âge de 65 ans, le Musée a réuni autographes, manuscrits et correspondances afin de nous faire découvrir un artiste peintre qui sans nul doute aurait voulu être écrivain. Un de ses amis Philarète Chasles dans ses Mémoires, décrit le jeune étudiant Delacroix apprenti calligraphe comme un esprit « poursuivant, torturant, multipliant la forme sous tous les aspects avec une obstination semblable à la fureur ».

 

Ou bien Delacroix le dit lui-même : « L’homme porte dans son âme des sentiments innés qui ne seront jamais satisfaits par les objets réels, et c’est à de tels sentiments que l’imagination du poète et du peintre donnera forme et vie.“

 

Oui Delacroix était un littéraire, un passionné des lettres. « Un esprit toujours éveillé, grand lecteur, curieux de tous les arts, et surtout ayant à cœur de conserver par écrit toutes ses réflexions. Il tenait à maintenir la mémoire des choses », dixit Catherine Adam.

 

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La fureur d’écrire

 

Il a lu tous les auteurs antiques, d’Eschyle à Homère, ceux du Moyen-âge et de la Renaissance, Dante, Shakespeare, les tragédiens classiques, Racine, Corneille, aux philosophes du XVIIème siècle et des lumières Descartes, Pascal, et ses contemporains, Balzac, Dumas, Walter Scott, Lord Byron. Il s’intéresse aussi bien à la poésie, aux essais, romans, au théâtre. L’exposition offre au regard ses œuvres de jeunesse, deux romans manuscrits et une pièce de théâtre. Comme le souligne Catherine A., « il avait la faculté même adolescent de construire de vrais romans, avec un début, un milieu et une fin, ce qui est rare pour un si jeune homme !» … « C’est un homme qui construit tous ses écrits. Nous sommes loin d’un simple épistolier, bien qu’il ait produit pas moins de 2000 lettres, son Journal nous procure une véritable analyse d’un homme de son époque».

 

« Ce que je désire le pus vivement, c’est de ne pas perdre de vue que j’écris pour moi seul. Je serai donc vrai, je l’espère ; j’en deviendrai meilleur », extrait du Journal de 1822.

 

A 24 ans, en 1822, il commence donc son Journal à l’occasion du jour anniversaire de la mort de sa mère. Il fréquente déjà Stendhal, Mérimée, ou Champollion. L’année d’après il côtoie Hugo, Vigny, Sainte-Beuve, Lamartine, ou Berlioz. Il vient de remporter son premier succès au Salon de Paris avec La barque du Dante (Louvre), il le tient pendant deux ans, pour l’abandonner pendant 20 ans. Ayant perdu son père très jeune à 7 ans, et sa mère à 16 ans, Delacroix donne l’impression d’être un esprit en perpétuel s réflexion et questionnement en tous genres, sur ses rencontres, les arts, la musique (il adorait et était ami avec Chopin), l’écriture (ami de George Sand  – de belles lettres à lire durant l’expo), la peinture, la politique, les mœurs, la vie, la nature, etc… Est-ce le fruit de cette solitude forcée par la vie? « Platonicien convaincu, il est persuadé de la puissance incroyable de l’imagination » (commentaire de son Journal, par Jérôme Verain). Notons qu’il y a peu de notes sur sa vie privée. Delacroix a connu des liaisons, mais n’a jamais été marié.

 

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Il aime le retirement, être seul et réfléchir.

 

Catherine Adam souligne le fait que « des correspondances se font entre ses Journaux, il en évoque des passages, y retourne, se cite lui-même, y recopie ses lettres, y note des idées, ou les scènes à forte puissance narratrice qu’il rencontre au cours de ses lectures pour des sujets d’estampes ou de peintures. Il n’écrit jamais au hasard». Il s’essaya aussi critique d’art et historien. Il livra à plusieurs revues artistiques des monographies sur des artistes ou analysa des concepts comme le « Beau » ou « l’enseignement du dessin ».

 

Nous vous laissons découvrir les lettres simples ou illustrées, aquarellées, ou encore feuillets, carnets, notes, « des brimborions écrits à la volée », comme il le disait lui-même, judicieusement mis en valeur au sein des collections de tableaux et objets de sa vie quotidienne. Le jardin récemment refait est un délice pour les yeux et un lieu apaisant. Son atelier qu’il fait construire lui-même renferme de beaux souvenirs de ses voyages en Afrique du Nord (ses études de fauves sont très belles), et chose rare, ses lithographies. Oui, Delacroix s’essayait aussi à la gravure, et a illustré une édition de Faust de Goethe.

 

Epistolier, diariste, écrivain, peintre, décorateur, grand amateur de poésie et de théâtre, Delacroix nous offre de multiples visages. Cette exposition nous permettre de le redécouvrir, et surtout de saisir son esprit à travers son verbe. Une intelligence remarquable !

VOUS ETES CURIEUX ?

 

DECOUVREZ LE SITE « LES CORRESPONDANCES DE DELACROIX », né d’une collaboration entre le Musée Eugène Delacroix et l’Université de Paris IV Sorbonne. Idéal pour parcourir ses lettres.

 

ENVIE DE LIRE ?

 

SON JOURNAL, en version résumé, pour 3 €, « Eugène Delacroix, Journal, pages choisies » aux Editions Mille et une nuit, par Jérôme Verain. Nous l’avons acheté, bien pour commencer.

 

SON JOURNAL, version intégrale, 2 tomes, « Eugène Delacroix, Journal », nouvelle édition intégrale établie par Michèle Annoosh, aux Editions Corti, 2009. « Une Edition de qualité » selon Catherine Adam, la première réédition depuis 1932.

 

VISITEZ LE JARDIN : Des visites exceptionnelle du jardin du Musée Eugène Delacroix à Paris, récemment rénové, auront lieu les samedis 20 et 27 juillet de 15h à 16h. Elles sont dirigées par Pierre Bonnaure, jardinier en chef des Tuileries, avec Sébastien Ciret, concepteurs et réalisateurs du jardin.

 

Crédits photos :

Photo accrochage expo, affiche et jardin : ©Musée Delacroix

Eugène Delacroix : Photographie de Félix Nadar, 1858

Lettres : © Paris Cabinet des estampes et de la photographie Bibliothèque Nationale. – avec Musée Eugène Delacroix.

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